17 juillet 2025

Benoît Collombat soutient Denis Robert


Benoît Collombat
journaliste grand reporter
à France Inter




déclare suivre avec le plus grand intérêt le travail d’enquête de Denis Robert, depuis la publication de son libre « Révélations » (avec Ernest Backes), en février 2001, aux éditions Les Arènes, consacré au fonctionnement des chambres de compensation financière, et notamment à la société Cedel-Clearstream.

Le travail de Denis Robert, prolongé par son livre « La boîte noire » en janvier 2002, a permis de mettre au jour tout un pan caché de la finance internationale, jusque-là connu des seuls initiés. Des éléments qui seront repris par le rapport de la mission d’information parlementaire sur le blanchiment des capitaux en Europe présidée par Arnaud Montebourg et Vincent Peillon.

A l’occasion de ce que l’on a appelé « la deuxième affaire Clearstream » qui fait aujourd’hui l’actualité judiciaire (la falsification de listings bancaires pour déstabiliser et discréditer industriels et politiques), j’ai eu l’occasion, à plusieurs reprises, d’évoquer sur France Inter ce premier volet de l’affaire Clearstream, matrice de la manipulation, en faisant référence au travail de longue haleine de Denis Robert sur ces questions.

Le 21 décembre 2006, par exemple, j’expliquai que la mise en examen de Denis Robert dans « l’affaire du corbeau » pouvait sembler paradoxale dans la mesure où ce dernier avait permis une meilleure compréhension des rouages de la société Clearstream (ayant servi de base à la manipulation des listings) et révélé dans son livre Clearstream, l’enquête (publié en juin 2006) l’existence de Florent Bourges, l’homme qui a fourni les listings par la suite falsifiés.

Dans ce reportage, Florent Bourges, ancien salarié du cabinet Arthur Andersen, m’expliquait que dans les 39 mémos réalisés par ses soins au cours d’un audit de Clearstream, « une dizaine » faisait référence à des « anomalies informatiques » officiellement non communiquées à la direction de Clearstream. Régis Hampel, ancien vice-président de Cedel-Clearstream, réitérait publiquement ses propos tenus devant la mission d’information parlementaire concernant la mise en place d’un système d’effacement quasi-quotidien des traces bancaires conformément, selon lui, aux « directives du service opérations », en liaison avec les banques. Des accusations catégoriquement démenties par le porte-parole de Clearstream, Bruno Rossignol. La sénatrice verte belge Isabelle Durant se désolait que sa proposition d’une commission d’enquête parlementaire sur ces questions soit restée lettre morte étant donné « les montants extrêmement élevés transitants » par ces canaux financiers. Elle faisait part de sa crainte concernant l’existence de « blanchiment d’argent » par ce biais là. Enfin, Jean de Maillard, vice-président du tribunal de grande instance d’Orléans, fin connaisseur de la sphère financière, estimait que dans la première affaire Clearstream, « la justice luxembourgeoise a tout fait pour que l’enquête n’aboutisse pas. » Selon lui, « tout a été fait pour dissimuler la vérité. »

En ce qui me concerne, ayant réalisé plusieurs contre-enquêtes sur certaines affaires politico financières, je ne peux que regretter le manque de volontarisme de la classe politique française pour tirer au clair le fonctionnement caché de l’économie mondiale et des paradis fiscaux, obstacle à de nombreuses instructions judiciaires, et la frilosité de la plupart des journalistes pour évoquer ces questions.

La personnalité de Denis Robert, évoluant en dehors du champ d’une rédaction, peut ne pas plaire à tout le monde. Mais, à mes yeux, son travail est indispensable : il contribue à lever une partie du voile sur ce monde souterrain de la finance internationale. Peu de journalistes peuvent en dire autant.



Benoît Collombat